Affaire Ousmane Gaoual : Un Ministre peut-il légalement faire du commerce ?

« À Conakry le fagot de bois de cuisine se vend en moyenne à 30 milles francs guinéens et à Gaoual le prix varie entre 10.000 et 20.000 francs. C’est pour cela que nous avons décidé de nous lancer dans le commerce du bois de cuisine. »

Ces propos du Ministre des Postes et Télécommunications et Porte-parole du Gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, publiés sur sa page Facebook, ont suscité une vive polémique sur les réseaux sociaux et dans les médias Guinéens.

En effet beaucoup de compatriotes s’offusquent à juste titre de voir un Ministre de la République se lancer dans un commerce pas très écoresponsable et qui plus est, insiste, persiste et signe en s’en prenant à ce qu’ils qualifient d’ « écologistes des réseaux sociaux » à travers plusieurs publications sur sa page Facebook.

Au delà de cet débat sur l’environnement, une question me taraude : est-il légal qu’ un Ministre de la République exerce des activités commerciales ?

Pour répondre à cette question de la manière la plus précise et catégorique, il convient de se référer à la loi L/2017/041/AN du 04 juillet 2017 portant prévention, détection, et répression de la corruption et des infractions assimilées ( la « Loi Anti Corruption » ).

En effet il faut tout d’abord rappeler que la Loi Anti Corruption est toujours en vigueur conformément d’une part à l’Ordonnance O/2021/001/PRG/CNRD/SGG du 16 Septembre 2021, portant prorogation des Lois nationales, des Conventions, Traités et Accords Internationaux et d’autre part à l’article 81 de la Charte de la Transition qui dispose que « Sauf abrogation expresse, les dispositions de la législation et de la réglementation en vigueur non contraires à la présente Charte demeurent entièrement applicables. »

Ensuite il faut dire que cette loi est assez claire et précise sur la question de savoir si un Ministre peut se lancer dans telles activités.

L’article 31 de la loi Anti Corruption dispose en effet que : « Est interdit à tout agent public, l’exercice par lui-même ou par personne interposée, de toute activité commerciale ou lucrative, à l’exception de la commercialisation de ses productions agro-pastorales non industrielles, littéraires, scientifiques et artistiques. »

L’ article 16 de la même loi précise que : « L’expression « agent public » inclut : Le Chef de l’État, les ministres et toute autre autorité exécutive ; […] »

Ainsi il ressort clairement de ce qui précède, qu’il est formellement interdit à un Ministre d’exercer des activités commerciales et plus largement lucratives. La seule exception à ce principe étant la commercialisation de ses productions agro-pastorales non industrielles, littéraires, scientifiques et artistiques.

Or, le bois n’étant pas une production agro-pastorale, le Ministre Gaoual est clairement en porte-à-faux avec la Loi et commettrait une infraction en s’adonnant au commerce de bois soit directement soit par personne interposée.

Pour rappel, son collègue Ministre de la Justice, le bouillant Charles Wright, très prompt comme on le sait à émettre des injonctions aux fins de poursuite, a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’hésiterai pas à sévir même à l’encontre de l’un de ses collègues Ministre qui serait en porte-à-faux avec la loi. La balle est dans son camp.

A défaut, le Ministre Gaoual, s’il persiste, s’expose à des poursuites judiciaires dans le futur, car la reddition des comptes enclenchée par le CNRD pour le bien de notre cher pays, ne devra en aucun cas s’arrêter en si bon chemin après la Transition.

Baïla Amadou Traoré

Juriste, Chroniqueur