La communication publique des villes africaines : une mine d’or inexploitée

L’intérêt des peuples africains pour la communication croît de jour en jour et la discipline évolue. Avec le boom démographique et l’effet de l’usage du numérique, les exemples d’ailleurs inspirent et les exigences grandissent. A l’échelle territoriale africaine, ce dynamisme fait un effet boomerang qui incite quelques mairies à se doter au moins d’un Community manager pour répondre à ce besoin. D’autres par défaut de moyens et par crainte de manquer de contenus, s’en passent.

Communiquer pour une mairie c’est avoir une mosaïque de contenus à valoriser

Levons l’équivoque dès l’entame : il faut dissocier la communication publique d’une mairie de la communication politique du maire. La première informe les citoyens, rend compte des actions entreprises par les autorités avec l’argent public, promeut le territoire et ses ressortissants, crée  de l’engagement là où la communication politique du maire met un focus sur ce dernier et ses actions souvent à des fins électoralistes et politiques. Des faits d’ailleurs punis dans d’autres sphères.

Mais parlons du contenu puisque l’amalgame semble être levé. Les missions de la communication publique des mairies sont à elles seules sources de contenus. Commençons par :

– Informer la population :

La vie d’une ville est faite d’actualités qui privilégient la proximité. Au quotidien, la communication d’une collectivité doit informer les citoyens à travers des canaux accessibles ce qui nécessite au préalable une bonne connaissance des cibles. Dans des petites communes où parfois tout le monde se connaît, l’information circule rapidement et les spéculations aussi. L’enjeu ici n’est pas seulement d’informer mais aussi de mesurer l’effet de cette information sur la population. Rassure-t-elle ou au contraire accentue-t-elle la psychose ?

– Rendre compte des actions publiques :

Pour bien fonctionner, les mairies doivent se doter d’un budget. L’usage de ce fond exige un compte à l’endroit des citoyens. A ce niveau, l’élément discursif est important. Ce n’est pas “le/la maire qui offre”, mais c’est la mairie qui met à la disposition des citoyens… Le discours étant clair, les actions peuvent aller de la construction d’un parc d’un centre de loisirs, la création d’une charte graphique, d’un site web à celle d’une application en passant par l’événementiel et bien encore… Chaque centime utilisé dans l’argent public doit se justifier et informer le citoyen pour susciter son engagement.

– Créer l’engagement des citoyens :

Lorsque les pouvoirs publics prennent des initiatives, le but derrière est d’embarquer les citoyens. L’engagement de ces derniers permet d’optimiser l’argent public mais aussi de créer des “empoyees advocacy” ou ambassadeurs d’une marque. Et puisqu’on ne peut parler d’ambassadeurs sans toucher au territoire dans le cas présent, la communication territoriale est donc de mise.

– Promouvoir le territoire :

Chaque ville africaine regorge d’immenses potentialités culturelles, touristiques et intellectuelles. Si le plus souvent nos mairies promeuvent les paysages, il ne faut pas occulter que les ressortissants des villes ainsi que leurs diasporas sont aussi à valoriser dans leurs exploits. C’est dans cette optique que le Sénégal célèbrera Sadio Mané alors que la région de Sédhiou célébrera l’enfant de Bambali. Subtile mais nécessaire. Ou encore la Côte d’Ivoire exprimera sa fierté à l’endroit de Didier Drogba alors que la ville de Yopougon parlera du natif de Yop City. Cette forme de promotion par les citoyens est un excellent moyen de création d’engagement et de contenus à ne pas confondre avec l’éloge.

Ces quatre aspects non exhaustifs permettent de maintenir sa présence dans l’espace public avec des contenus de qualité. Mais la charge de travail et l’investissement humain qu’ils demandent nécessitent l’implication de toute une équipe de communication selon la taille de la ville. Ne pouvant point se priver de cette ressource de nos jours, c’est un sentier à explorer dans un domaine constitué de plus en plus de professionnels. Il n’y a qu’à voir la floraison de masters spécialisés dans la communication publique.

Je crois fermement au développement à la base, permettez moi de prôner la “communication à la base”. Des milliers d’emplois en communication sont à créer dans nos collectivités pour participer au bien-être de nos citoyens ainsi qu’au développement de nos villes.

 

Lucien BLEMOU, spécialiste communication politique et publique.