Quelques considérations pour des élections transparentes et crédibles en Guinée avec l’option d’une administration électorale d’ordre technique (TRIBUNE de Dr Thierno Souleymane BARRY)  

Mai 2023. Débat d’orientation constitutionnel par le Conseil National de la Transition (CNT) en Guinée. Cette seconde contribution faisant suite à celle consacrée au choix d’un régime présidentiel rationalisé porte sur les reformes nécessaires du cadre électoral en Guinée. En effet, les échéances électorales en Guinée ont toujours fait l’objet de contestations, sont porteuses de grandes violations des droits humains et ont été source d’instabilité politique.

Notes introductives

La voie électorale étant le mode de choix des gouvernants par les gouvernés dans le cadre du processus démocratique, il est essentiel d’accorder une attention particulière à cette problématique dans le cadre de la refondation des institutions en cours. Pour des élections transparentes, sincères et crédibles en Guinée, dans la présente tribune et au titre de notre contribution au débat, nous estimons nécessaire la suppression de la Commission nationale électorale indépendante et envisageons un retour à l’organisation des élections par des organes techniques aux moyens des reformes dont le développement va suivre dans les prochaines lignes. 

  1. Un cadre normatif basé sur un Code électoral révisé

Le cadre normatif des élections aura pour socle un Code électoral révisé du Code actuel. Outre l’affirmation des principes de liberté, de l’universalité et de l’égalité du suffrage, le Code électoral contiendra les aspects sur le droit de vote, les droits et devoirs de l’électeur, les conditions d’éligibilité, les consultations électorales, les modes de scrutin, le contentieux électoral et autres questions connexes. Le Code électoral sera une loi organique fruit du consensus de tous les acteurs de la vie nationale.

  • Un cadre institutionnel fondé sur une administration électorale dépolitisée au travers du Fichier électoral permanent informatisé, de la Direction générale des élections et de la Commission nationale technique des élections

D’emblée, l’histoire récente des transitions démocratiques en Afrique et particulièrement en Guinée, a démontré que les commissions nationales électorales indépendantes n’ont pas été porteuses d’espoir suscités par leur création ; il n’y a eu ni efficacité encore moins d’apaisement par l’organisation d’élections crédibles. Ce sont plutôt d’organisations à lourd budget qu’il faut renouveler à chaque échéance électorale. De temporaires jusqu’au rétablissement de la confiance entre les acteurs politiques, elles ont eu tendance à s’inscrire dans la durée. On note cependant que beaucoup de pays, à l’instar du Sénégal, les ont remplacés par des structures techniques permanentes rattachées au ministère régalien en charge des élections. Ne serait-il pas possible d’en faire de même pour la Guinée ? A notre avis, pour les raison sus indiquées, il faudra exclure la Commission nationale électorale indépendante parmi les institutions à mettre en place. Il faudrait ramener l’organisation des échéances électorales au Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation à travers deux structures. La première structure d’ordre opérationnel sera la Direction générale des élections ; elle sera chargée du fichier électoral jusqu’aux résultats provisoires des consultations électorales en passant par les opérations intermédiaires. Les opérations particulières concernant la surveillance du Fichier électoral permanent informatisé et le découpage de la carte électorale ainsi que leurs révisions respectives seront confiées à une Commission nationale permanente technique des élections dont les modalités seront définies à travers une loi organique. A l’entame de toutes ces institutions que dessus, il y aura l’établissement d’un Fichier électoral permanent informatisé. Il sera idéal que ce fichier soit arrimé au Fichier central d’Etat civil. Les révisions concernant les inscriptions lors de l’atteinte de la majorité et les radiations suivant les décès peuvent se faire automatiquement, à la demande du Directeur général des élections ou des intéressés pour la question de majorité ou des ayant droits des personnes défuntes.

  • Un contentieux électoral efficace

Le contentieux électoral devra être un contentieux diffus confié aux tribunaux de première instance à tous les niveaux en premier ressort, les cours d’appel en second ressort et la Cour suprême en dernier ressort pour les élections locales et législatives. La Cour suprême demeurera la seule compétente pour les élections présidentielles, avec des courts délais caractérisés par l’urgence de la matière électorale. Une procédure électorale contenant les compétences, les modes de saisine, les voies de recours, les délais et autres aspects devra être élaborée et adoptée. 

  • Une organisation d’élections générales à date fixe 

Pour rationner les ressources disponibles et pour concentrer ces périodes, sources d’instabilité et d’arrêt d’activités de développement, dans un laps de temps bien déterminé, libérant ainsi les autres périodes pour le développement de la nation, nous proposions, à l’instar d’autres pays de la région comme la Sierra Léone, l’organisation d’élections générales en Guinée. Ces élections générales organisées le même jour concerneront toutes les consultations électorales, les élections nationales présidentielles et législatives et les élections locales municipales et de quartier et district. Il en résultera une grande économie d’échelle en matière de temps, de moyens matériels et de ressources humaines.

  • Remarques conclusives

Pour terminer, nous sommes d’avis que les reformes proposées ci-dessus sont essentielles pour aboutir à des élections transparentes et crédibles pour parachever la transition amorcée depuis le 05 septembre 2021 afin de permettre au retour à un ordre constitutionnel démocratique apaisé et accepté de toutes et de tous les guinéens. 

                                                                                             

Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D   

Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)    

Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour