Du concept de travail décent et du respect des droits des travailleuses et des travailleurs en Guinée (Tribune de Dr Thierno Souleymane BARRY)

Le 1 er mai 2024, l’humanité célèbrera la Fête internationale des travailleuses et des travailleurs ou communément appelée la Fête du travail. Il en a ainsi depuis 1889 pour souligner les luttes historiques et les progrès réalisés en termes de respect des conditions de travail, des droits au travail et de la liberté syndicale, entre autres, en signe de commémoration de la grève des travailleurs de Chicago durement réprimée en 1886.

En Guinée, à l’instar d’autres pays, la fête mobilise l’ensemble des populations laborieuses des secteurs public, parapublic, privé,
mixte et informel pour non seulement de réjouissances festives mais surtout pour présenter des demandes pour de meilleures conditions de travail. De plus en plus, ces meilleures conditions de travail se trouvent résumées par le concept de travail décent propulsé par l’Organisation internationale du travail (OIT) et d’autres institutions. Dans cette présente
tribune, nous relèverons, en premier lieu, la signification du concept de travail décent avant d’envisager des actions idoines à mener pour la mise en œuvre du concept de travail décent en Guinée.

L’appréhension du concept de travail décent
Le concept de travail décent vise entre autres la garantie pour toute travailleuse et tout travailleur des droits à la liberté syndicale, le droit à des négociations collectives et une juste rémunération pour faire face aux besoins fondamentaux de la vie, selon l’Organisation internationale du travail (OIT). Il est tributaire des travaux du Pr Amartya Sen sur l’indice du développement humain, notamment « Travail et droits » où il indique que les indices des mesures de développement doivent aller au-delà de l’indice du produit national brut et tenir compte des facteurs comme l’accès à l’éducation, à un travail de qualité, la garantie d’accès à des soins et la qualité de l’environnement. Le climat est devenu un indice à tenir en compte, de nos jours Ainsi, c’est dans ce cadre, sans doute que la récente Journée mondiale de la sécurité et de santé au travail célébrée le 28 avril 2024 a coïncidé avec le lancement du rapport de l’OIT « Assurer la sécurité et la santé au travail dans un climat en évolution ».
Comme nous l’avions indiqué dans l’un de nos précédents travaux, le concept de « travail décent est à la fois une valeur substantive (un travail perçu comme procurant de bonnes conditions de travail au travailleur), mais aussi une valeur procédurale (ensemble des procédés permettant au travailleur de réclamer un environnement de travail satisfaisant) ».

Les actions à mener pour la mise en œuvre du concept de travail décent en Guinée
Il existe indéniablement un lien entre le respect des standards de travail décent et la protection des droits humains. Dans un tel schéma, avec les grands investissements dans le secteur des mines et des infrastructures connexes comme le Projet Simandou et autres, il y a lieu d’adopter et d’appliquer les standards d’un travail décent tel que défini ci-dessus. Il faut entre autres que le travail s’exerce dans des conditions respectueuses de l’intégrité physique et mentale du travailleur et dans le cadre d’un environnement sain et sécuritaire. Sont ainsi à proscrire l’usage des produits toxiques, le travail comportant des positions et des postures affectant la santé et la sécurité des travailleurs. La prise en compte des changements climatiques dans la fixation des horaires de travail et les conditions d’exercice du travail ains que les mesures d’accompagnement pour atténuer leur impact. Il y a lieu de promouvoir un travail rémunéré à juste prix qui tiennent compte du coût de la vie, une telle promotion passe
nécessairement par le rehaussement du SMIC en Guinée. Il faut accroitre les inspections au niveau de tous les secteurs de travail afin de sanctionner les abus des conditions de travail qui sont considérés comme des violations des droits humains. Pour donner un sens au contenu local en termes de ressources humaines, il est essentiel d’investir dans la formation des ouvriers qualifiés et agents de maîtrise notamment dans les secteurs des mines et des transports. Il faut surtout accroitre la capacité des organisations syndicales dans la protection du travailleur et du travail de qualité et respecter leur liberté d’exercice sans entrave telle que définies dans les diverses conventions de base de l’OIT.

Pour conclure, dans le contexte des gigantesques chantiers miniers à l’instar de celui de Simandou et avec la récente et l’importante règlementation sur le contenu local, il est indispensable d’agir sur l’émergence des emplois de qualité qui respecte toutes les conditions d’un travail décent en faveurs de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs en République de Guinée.

Bonne fête du travail à toutes et tous les travailleurs de Guinée et d’ailleurs. Bon 1 er mai 2024.

-Juris Guineensis No 61

Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D
Docteur en droit, Université de Sherbrooke/Université Laval (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour