Guinée : « Aucun guinéen ne saurait être contre la récupération des biens de l’État indument accaparés »

Depuis la prise du pouvoir par le CNRD le 05 septembre 2021, un vent nouveau souffle sur la Guinée. Des promesses de redressement et de lutte contre la corruption endémique a fait naître de l’espoir dans le regard de beaucoup de guinéens ; excédés par la mauvaise gouvernance et l’enrichissement illicite de son élite civile et intellectuelle, le guinéen ne peut qu’applaudir la promesse d’une nouvelle Guinée.

Depuis la prise du pouvoir par le CNRD le 05 septembre 2021, un vent nouveau souffle sur la Guinée. Des promesses de redressement et de lutte contre la corruption endémique a fait naître de l’espoir dans le regard de beaucoup de guinéens ; excédés par la mauvaise gouvernance et l’enrichissement illicite de son élite civile et intellectuelle, le guinéen ne peut qu’applaudir la promesse d’une nouvelle Guinée.

Comme toujours, en tout temps et sous tous les cieux, c’est sous fond de justice de façade que les plus grandes injustices sont commises, il ne faut pas avoir la naïveté de croire que l’on peut réparer une injustice par une autre.

Aucun guinéen ne saurait être contre la récupération des biens de l’État indument accaparés par des cadres au comportement douteux et peu scrupuleux, mais les exigences d’un état de droit indiquent une marche à suivre dans toutes démarches qui peut modifier la situation juridique d’un objet ou d’une personne.

Il faut rappeler qu’avant l’indépendance, la terre appartenait à l’administration coloniale et aux coutumiers dans une moindre mesure et à l’accession à l’indépendance, l’ordre juridique, en ce qui concerne le foncier est resté tel qu’il était. Les citoyens ne pouvaient avoir qu’une autorisation de s’installer sur les terres appartenant à l’État et aux coutumiers dans les zones rurales, tout le monde était détenteur précaire des immeubles qu’il occupait.

Ce n’est que par l’Ordonnance O/92/019 du 30 mars 1992, que le Code foncier et domanial est adopté en République de Guinée, la loi fondamentale ayant consacrée le droit de la propriété, l’État ainsi que les personnes privées peuvent désormais être propriétaires des terres et les occupants d’avant et après indépendance sont devenus propriétaires des immeubles qu’ils occupaient.

L’État en tant personne morale de Droit public possède deux types de domaines :

  • Les domaines publics ;
  • Les domaines privés.

Le domaine public de l’État est protégé contre toute forme d’appropriation privée par les dispositions de l’article 101 du Code foncier et domanial qui dispose « Les biens du domaine public sont inaliénables et imprescriptibles ». Il ne peut donc pas être vendu, on comprend aisément qu’il échappe au commerce juridique.

Il faut préciser que parmi les catégories de domaines publics, il y’en a qui ne peuvent être déclassé pour être reversé dans le portefeuille privé, en ce qui les concerne s’ils font partie des domaines concernés, les dispositions doivent être prises.

Qu’en est-il des domaines privés ?

Conformément aux dispositions de l’article 115 du même Code, « Les biens du domaine privé sont soumis au régime de la propriété privée tel qu’il est défini par le Code civil et le titre I ci-dessus, à l’exception des dérogations prévues au présent Chapitre. » ce qui veut dire qu’en ce qui concerne les domaines privés de l’État, il peut en disposer comme une personne privée.

Ces biens peuvent être vendu selon les règles fixées par l’État et à toutes personnes y compris les fonctionnaires à partir du moment où les règles sont respectées.

L’État en tant que sujet de droit, ne peut vendre aujourd’hui et se dédire le lendemain, la crédibilité d’un État sérieux dépend du degré de confiance que ses citoyens ainsi que d’autres peuvent placer en lui en espérant que les circonstances futures ne portent atteintes aux droits acquis.

Il faut donc agir avec transparence de sorte à ne pas toucher aux droits légitimes des citoyens au nom de la récupération. Les domaines publics naturels ne peuvent en aucun cas être déclasser pour être réalisés au profit des privés. La distinction doit être claire.

On peut douter de la moralité de ces actes qui ont permis aux hauts fonctionnaires de s’acheter les biens privés de l’Etat faut-il que ce soit condamnables sur le terrain du droit ? Mais dans tous les cas la procédure est indispensable.

Ne dit-on pas que l’État est une continuité ? Que valent les actes d’un État si à chaque changement de régime, il faut s’attendre à perdre tous les droits que l’on a « légalement » acquis sous le précédent régime ?

Si des domaines privés de l’État ont été illégalement vendu à des citoyens, et que l’État veut les récupérer, soit ! Mais cela doit se faire dans le respect des droits humains.

Il aurait pu être plus judicieux pour l’État de commencer pièces par pièces l’ensemble de ses contrats afin d’éviter de nouvelles injustices, si après toute vérification l’État reste convaincu de l’irrégularité des actes, de porter l’affaire devant la justice comme n’importe quel justiciable et de laisser le soin à la justice de démêler le vrai du faux.

Dans tous les cas, le délai donné aux occupants/propriétaires indique la volonté des autorités d’agir hors tout cadre légal. Il est inadmissible de demander à des gens qui ont habité des immeubles des décennies durant de libérer les lieux en moins de 20 jours, il y a clairement abus.

Si les règles de procédure existent, c’est pour protéger tout le monde contre les abus et les tentations des hommes à dépasser les limites légales. Il faut exiger à l’État de respecter ses propres règles et protéger tous les guinéens contre les abus.

Si les défenseurs des droits humains laissent passer ces comportements, d’autres plus graves seront commis, alors « qu’une injustice faite à un seul est menace faite à tous ». Nous devons apprendre de nos erreurs pour sortir du cercle vicieux de l’injustice et aucune soif de justice ne doit nous aveugler au point de passer sous silence d’autres injustices.

Nous devons sortir de l’émotion et faire ce qui est juste, pour nous et pour les générations futures.

La construction de notre démocratie et de notre de droit passe par notre capacité à respecter les règles alors que nous pouvons la violer sans en subir les conséquences, c’est ce que les régimes précédents n’ont pas pu, le CNRD doit pouvoir faire mieux. Nous encourageons la justice à restaurer son image et à donner plus de confiance aux citoyens, à devenir véritablement « la boussole » de cette transition.

Aux personnes concernées, ils ne doivent pas se résigner face à cette situation, ils doivent saisir les tribunaux pour se rétablir dans leurs droits et mettre l’État face à ses responsabilités. Mais dans tous les cas, ils doivent libérer les lieux car l’administration bénéficie d’un privilège du préalable.

Mamoudou Montes DIAKITÉ

Juriste Consultant